[Écriture et histoire du droit] L’écriture de la remontrance à la Renaissance

Cahier de doléances. 1789. ImpriméCe projet, lié d’un partenariat en partenariat entre le CESR (Paul-Alexis Mellet) et l’Université de Wisconsin-Madison (Ullrich Langer), consiste à étudier et comparer les remonstrances formulées aux princes par leurs sujets dans l’Europe (surtout France, Angleterre, Empire, cantons suisses) à la fin de la Renaissance (XVIè-XVIIIè siècles).

Responsable scientifique : Paul-Alexis Mellet (Centre d’Études Supérieures de la Renaissance)

Membres du réseau de recherche : Bideau Alain (Allemand, Université de Tours / CESR), Daubresse Sylvie (Histoire du droit, Université de Paris IV), Elsky Stéphanie (Littérature, Université de Madison), Ferretti Giuliano (Histoire, Université de Grenoble), Feutry David (Histoire, Université de Paris IV), Frisch Andrea (Littérature, Université du Maryland), Furno Martine (Littérature, Université de Grenoble), Goyet Francis (Littérature, Université de Grenoble), Hayaert Valérie (Histoire du droit, Université de Genève), Kendrick Christopher (Littérature, Université de Chicago), Langer Ullrich (Université de Wisconsin-Madiso), Loewenstein David (Littérature, Pennsylvania State University), Tarrête Alexandre (Littérature, Université de Paris IV), Westerwelle Karin (Littérature, Université de Münster).

Les remonstrances

Ces textes ont proliféré à l’époque moderne. S’inspirant du droit de remontrance des parlements, ils ont progressivement quitté l’enceinte parlementaire pour s’étendre à l’ensemble du corps social. Dès le milieu du XVIe siècle, la noblesse, le clergé catholique, les églises réformées, les corporations de métiers, les corps des villes, sans compter de nombreuses voix individuelles, formulent des remontrances qui sont parfois imprimées. Il s’agit le plus souvent de textes courts et ancrés dans l’actualité, ne portant pas toujours de nom d’auteur ni d’adresse typographique, et s’adressant avec humilité aux autorités politiques ou religieuses afin de dresser un constat et de proposer des solutions. Plus qu’un texte contestataire, la remontrance représente donc, selon un genre de discours très formalisé, un mode pacifique de l’opposition publique. En tant que discours délibératif, elle est tournée vers l’avenir et vers l’action, et elle suppose ainsi la possibilité même de cette action et la bonne foi des acteurs. Ses paramètres rhétoriques et éthiques suivent largement l’admonitio ou l’expostulatio de l’amitié. Elle ne discute pas la domination en tant que telle, mais plutôt ses modalités, son intensité, sa légitimité et son extension. Or, ces questions se posent avec acuité dans les périodes de fragilité comme les guerres de religion en France ou la guerre civile anglaise.

Le corpus des remonstrances, très abondant et bien connu, a paradoxalement été relativement peu étudié jusqu’ici dans une perspective comparatiste et politique. Pour la France, on trouvera significativement les travaux des deux concepteurs du projet : Ullrich Langer, Vertu du discours, discours de la vertu. Littérature et philosophie morale au XVIème siècle en France, Genève, Droz, 1999 ; Paul-Alexis Mellet, « L’expression politique de la plainte : les Remonstrances aux Etats généraux de Blois de 1588 », dans Florence Alazard (dir.), La plainte à la Renaissance, actes du colloque de Tours (novembre 2005), Paris, H. Champion, 2008, p. 327-344. Etudier ce corpus dans une perspective comparatiste et politique, c’est ainsi tenter de corriger cette faiblesse historiographique, tout en insistant sur les mécanismes institutionnels et les rapports d’obéissance qui les sous-tendent. Il s’agira tout d’abord de réfléchir à l’opportunité d’une désignation générique : s’agit-il d’un genre politique spécifique ? Ce genre, s’il existe, se distingue-t-il de la requête, des doléances, etc. ? Il faudra ensuite de comparer les remonstrances dans les différents contextes européens (guerre civile anglaise, guerres de religion en France, etc.) et étudier à travers elles la diversité des requêtes politiques (monarchie centralisée en France et en Angleterre, principautés ou villes libres dans l’Empire romain germanique, cantons dans la Confédération helvétique, etc.).

Les objectifs

Le projet rassemble des chercheurs européens et américains, dont la mise en réseau depuis 2011 aboutit aujourd’hui à l’établissement de partenariats scientifiques multiples. Leurs regards croisés permettent de comparer entre elles les remontrances adressées aux princes dans l’Europe de la modernité et de réfléchir aux différentes formes qu’elle prend (vers / prose, origine parlementaire ou non, etc.). Il s’agira donc tout d’abord de dresser un tableau de ces textes encore présents dans les grandes bibliothèques européennes et américaines (BNF, Bibliothèque de Genève, Bibliotheca Augusta de Wolfenbüttel, London Library, Newberry Library). Il s’agira ensuite d’étudier les institutions qui relaient les remonstrances, les sujets autorisés à les formuler, les contextes qui les voient se multiplier, etc. Finalement, les processus d’élaboration, de présentation et de diffusion des remonstrances apparaissent comme les révélateurs du fonctionnement des institutions politiques elles-mêmes.

Crédits de l’image : Un des cahiers de doléances d’Angers, Maine-et-Loire, France. Archives municipales. http://www.angers.fr/decouvrir-angers/en-histoire/chroniques-historiques/pour-s-informer/angers-a-travers-ses-doleances/

 Retrouvez un résumé de l’implication de ce projet dans ECRISA (télécharger le compendium de la journée d’étude ECRISA du 27/09/2017).


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